L’histoire de Ginette Beaudreault

Vivre sa vie à son maximum — Inspirée par une vie prise prématurément

Bonjour à vous tous!

Je me présente, Ginette Beaudreault, je suis née à Montréal. Je suis la quatrième d’une famille de cinq garçons et de deux filles. Mes frères et soeurs eux, n’ont jamais eu aucun problème de santé sérieux.

Ma vie professionnelle à l’époque se résumait à la gestion d’entreprises et du personnel; un travail assez demandant, autant sur le plan physique qu’émotionnel. J’avais 40 ans à l’époque, mes deux enfants partis, donc, plus que de moi seule à m’occuper. Passionnée par mon travail, je ne calculais ni mon temps ni les efforts pour atteindre le succès.

Puis, la maladie s’installa. Au début, je me doutais bien que quelque chose n’allait pas. Je perdais constamment l’équilibre, je manquais d’énergie et aussi de force physique. De plus, mon élocution était semblable à celle d’une personne en état d’ébriété. J’attribuais ces symptômes au manque de sommeil, à l’abus de la caféine et à la malnutrition que je m’infligeais volontairement. Je me perdais tellement dans le travail que j’en oubliais de manger, me nourrissant de café et qu’en plus, je fumais beaucoup trop.

Je décidai donc de changer de régime. Je m’assurai de manger un minimum de deux repas par jour. J’avais réduit de beaucoup ma consommation de café. J’ai aussi réduit mes heures de travail, croyant pouvoir réussir ainsi à faire disparaître le problème. Malgré le nouveau régime, mon état de santé s’aggravait. Environ huit mois après le début des symptômes, je me rendis donc à la clinique sans rendez-vous la plus proche. Le médecin en service me suggéra de me présenter à l’hôpital Cité de la santé au plus tôt. Ce que je fis. Après trois semaines d’hospitalisation et d’examens multiples, le 2 mars 2002, le diagnostic par élimination la Sclérose Latérale Amyotrophique. C’est en fouillant sur Internet, que j’ai trouvé le site de la Société de la SLA du Québec. De là, j’ai découvert ce qui en était réellement de cette maladie dont je n’avais jamais entendu parler. Je réalisais à ce moment-là, la dure réalité. Même assise, j’ai senti le plancher se dérober sous mes pieds. Pour moi, le temps venait de s’arrêter; j’avais l’impression de vivre dans l’irréalité. Je ne pouvais concevoir l’idée de finir mes jours ainsi. Durant les jours qui ont suivi, j’ai crié à l’injustice. En restant au lit la majorité du temps, je me réveillais pour prendre une douche. Aussitôt fait, je retournais me coucher afin de me rendormir…

Après peut-être quatre ou cinq jours d’apitoiement sur mon sort, je me suis levée en me disant qu’aujourd’hui, j’arrêterais de me regarder le nombril et que je regarderais plutôt ce qui se passait dans le monde. Ce matin-là, j’ai ouvert le journal et un article a attiré mon attention : Une mère de famille meurt dans un accident de voiture! L’article disait : Une femme de 41 ans, mère de deux enfants de 5 et 6 ans, meurt sur le coup de l’impact… Ce sont les deux seules lignes dont je me souvienne.  À partir de cet instant, je me suis posé la question : Quelle aurait été ma décision si, avant le diagnostic de la maladie, on m’avait laissé le choix entre, sans avertissement, avoir un accident mortel ou une maladie comme la SLA ? Après mûre réflexion, j’aurais définitivement choisi la maladie, pour ainsi me donner le temps de faire ce dont j’avais envie. J’ai réalisé cette journée-là, que je vivais sur un bonus. Hé oui! J’avais de la chance, comparé à la mort subite de cette jeune femme. Mes enfants, élevés à l’époque, quatre supers petits-enfants et encore de belles années devant moi, pourquoi pas? Je décidai donc de profiter pleinement de la vie et d’apprécier le bonus qu’elle m’avait si gentiment offert. Malgré ma résolution de vivre le restant de mes jours sur un bonus, je maintiens ma position en affirmant que personne ne mérite de mourir de cette façon.

Mes amis proches furent très importants dans mon cheminement avec la maladie et ils le sont toujours. Leur support constant me fit réaliser qu’ils étaient le cadeau le plus précieux que le ciel m’ait envoyé. Je vis présentement à Sainte-Julie sur la Rive-Sud de Montréal.  Avec l’aide du CLSC, dont il ne faut pas avoir peur de demander, en leur expliquant mes besoins. J’ai sur place l’équipement nécessaire à mon quotidien. Je peux ainsi vivre normalement, apprécier la vie, m’impliquer dans différents organismes, dont la Société de la SLA du Québec qui d’ailleurs m’est d’une aide précieuse tout au long de cette aventure.

Je peux dire aujourd’hui, à l’aube de mes 50 ans à presque 10 ans du diagnostic qu’il y a une vie après le diagnostic. J’ai une vie active, c’est avec mon amoureux que je passe la majorité de mes fins de semaines, ça fait maintenant trois ans que j’ai cessé de travailler. Par contre, pour la famille et les amis, on me demande souvent des montages photos ainsi que des copies vidéos. Mes deux enfants que j’adore m’ont donné à leur tour neuf petits-enfants, cinq garçons et quatre filles, qui font de moi une grand-maman des plus heureuses. Ce que j’ai pu retirer de toute cette aventure, c’est de bien choisir mes batailles, ça ne donne rien de s’arrêter aux détails. Au fait, j’ai appris à dédramatiser mon quotidien afin de me rendre la vie plus facile, j’ai décidé de m’adapter avec ce qui restait! Comme le jour ou ma main droite ne pouvait plus tenir ma cigarette, laissez-moi vous dire que ça n’a pas été long que je suis devenue gauchère… Je mène ma vie avec la maladie et non la maladie qui mène ma vie ! Il est vrai qu’avec des handicaps, vous rencontrerez des gens qui vous ignorent par gêne alors que certains vous infantilisent.

Mais, malgré tout, ce qui est important de retenir c’est de ne jamais perdre de vue qui vous êtes…!  En terminant, j’aimerais ouvrir une parenthèse sur l’importance de prendre soin de nos aidants… Ce n’est pas évident pour l’aidant de gérer la situation, la maladie, en plus d’être ébranlé émotionnellement, l’aidant doit s’occuper des enfants, de la maison, de l’épicerie, des repas, du véhicule, des rendez-vous médical et de nous…… En acceptant l’aide extérieur du CLSC, des amis, de l’entourage en général, on peut leur faciliter la tâche, et ce, même si ce n’est pas aussi bien fait… Lors de rassemblement familial ou même entre amis, j’essaie de combler mes besoins par différente personne, ce qui d’ailleurs leur fait plaisir, les gens veulent se rendre utile mais ils ne savent pas comment… à nous de leur montrer!

Un autre bon moyen de supporter l’aidant ainsi que la personne atteinte, c’est en s’impliquant à la Société de la SLA, en participant aux activités et aux événements, on forge des liens entre les aidants, les personnes atteintes et le personnel, on y retrouve des gens qui nous comprennent, nous sommes tous dans le même bateau alors, ramons du mieux qu’on peut.

Merci d’avoir pris le temps de me lire,

Ginette Beaudreault

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