Illusion

Un texte de Chantal Lanthier, atteinte de la SLA depuis 2013

Illusion

« On a l’âge de notre coeur »!

Qui n’a pas déjà entendu cette expression? Évidemment, plus on vieillit et plus on constate que notre corps nous fait défaut. Pourtant, plein de gens vieillissants que je côtoie me disent se sentir « jeune en dedans » et avoir la volonté de réaliser encore bien des défis ou d’explorer de lointaines contrées si seulement leur vieille carcasse pouvait encore suivre!

Ce qui m’amène à faire le parallèle avec les personnes atteintes de la SLA. Comme l’écrivait si bien Nathalie Larivière, elle-même atteinte et totalement paralysée: « Chaque fois que je me vois sur une photo ou dans un miroir, je réalise que ce que je vois ne concorde pas à comment je me sens à l’intérieur. Au plus profond de moi, je me sens si vivante. J’ai accès au bonheur malgré que mon corps fait des folies et semble au bout du rouleau. À l’intérieur de moi, la tristesse et le bonheur cohabitent très bien. Le bonheur réussit à prendre sa place aisément. Il se faufile en moi car je veux bien l’accueillir. J’ai redéfini mes critères pour dire que je suis heureuse. Le bonheur dans ma vie peut être présent en tout temps. Je veux dire que c’est complexe, mais possible, de se sentir bien et heureuse malgré la maladie ».

Notre apparence n’est nullement garante de notre bonheur et de notre sérénité intérieure. Il est important d’aller au-delà de l’image avant de conclure qu’une personne est en manque de lumière intérieure. Nous sommes tellement plus que notre corps! Ne vous fiez pas aux apparences car elles sont souvent trompeuses. Ne jugez pas trop rapidement les gens que vous croisez. Mais ça, vous le savez sûrement déjà!

Lorsque la SLA débarque, les règles du jeu changent. Je me souviens nettement de mes sombres pensées au début de la maladie : « Comment ferais-je pour endurer la dégénérescence de mon corps? Je ne serai jamais capable d’accepter de me faire laver les fesses et d’être à la merci de tous. Ce n’est pas une vie ça! ». Voici, probablement, ce que diraient également 99 % des personnes en santé. Pourtant, je suis en fauteuil roulant, j’ai perdu ma voix, ma dextérité est loin d’être parfaite, je me fais laver les fesses et le bonheur m’habite encore! Je suis bien dans ma tête, heureuse et en paix.  L’esprit s’adapte, se redéfinit. L’âme prend goût à autre chose. La vie affiche un sens nouveau.

Cette transformation s’opère doucement. Pendant que notre corps s’amoindrit, une lumière intérieure nous éclaire. Vacillante au début, cette lumière, cette force, finit par prendre toute la place et elle se reflète sur notre entourage. Léonard Cohen disait : « Il y a une fissure, une fissure dans tout, pour laisser entrer la lumière ». Le bonheur possède définitivement plusieurs définitions.

Il faut toutefois un autre élément pour que la lumière soit présente et que la magie opère; l’amour! L’amour sincère et en grosse quantité. L’amour de nos proches qui veille au grain, qui s’assure que la lumière ne s’éteigne jamais et qui nous permet de rayonner intérieurement. Jocelyn dit souvent : « je suis fort parce qu’elle est forte » et moi je lui réponds : « je suis forte parce que tu es fort ». Et, il en est ainsi pour ma fille, mes amis et mon entourage.

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