SOURCE: UdeMNouvelles
Des expériences d’abord menées chez le ver, le poisson-zèbre et la souris, puis chez l’humain concluent à l’efficacité potentielle du pimozide dans le traitement de la sclérose latérale amyotrophique.
Des chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) et de l’École de médecine Cumming de l’Université de Calgary ont découvert un médicament qui pourrait permettre de traiter les personnes atteintes de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Lou Gehrig.
Un article publié aujourd’hui dans JCI Insight conclut que le pimozide s’avère sécuritaire et semble freiner l’évolution de la SLA à court terme. Cette maladie neurodégénérative provoque une paralysie progressive des muscles squelettiques et éventuellement la mort en moyenne trois ans après la manifestation des symptômes.
«C’est le premier médicament qui semble soulager les symptômes de la SLA chez l’animal. Le riluzole et l’édaravone, actuellement utilisés chez l’humain, ont des effets limités. D’autres recherches doivent être menées pour le confirmer, mais nous pensons avoir trouvé un médicament qui sera plus efficace pour améliorer la qualité de vie des patients», résume Alex Parker, chercheur au CRCHUM et professeur à l’Université de Montréal.
Du ver à l’humain
L’histoire débute il y a six ans, avec un petit ver nématode d’un millimètre appelé C. elegans. Dans son laboratoire, Alex Parker modifie génétiquement les vers pour qu’ils présentent la forme

humaine de la sclérose latérale amyotrophique. Au même moment, son collègue Pierre Drapeau fait la même chose avec un autre modèle animal: le poisson-zèbre, un petit poisson tropical de cinq centimètres de long.
Les deux scientifiques obtiennent un financement de l’armée américaine pour tester des médicaments sur ces vers et ces poissons nés avec la SLA. «Nous avons criblé une banque de 3850 molécules approuvées pour le traitement d’autres maladies et nous avons trouvé une classe de médicaments antipsychotiques qui a pour effet d’atténuer la perte de mobilité des vers et des poissons. Le pimozide fonctionne particulièrement bien pour prévenir la paralysie chez le poisson en maintenant la jonction entre le système nerveux et les muscles», explique Pierre Drapeau, chercheur au CRCHUM, professeur à l’Université de Montréal et chef de l’étude.
Le professeur Richard Robitaille effectue ensuite des tests électrophysiologiques chez la souris dans son laboratoire de l’UdeM et arrive à la même conclusion. Le pimozide maintient ainsi la fonction neuromusculaire chez trois modèles animaux.
Le pimozide, un médicament bien connu
Au forum annuel de recherche de SLA Canada en 2012, les chercheurs montréalais rencontrent le Dr Lawrence Korngut, professeur associé à l’École de médecine Cumming de l’Université de Calgary, membre du Hotchkiss Brain Institute (HBI) et directeur de la Clinique de la SLA et du motoneurone de Calgary. «Le pimozide est un médicament bien connu depuis 50 ans, employé pour traiter certains troubles psychiatriques comme la schizophrénie et qui coûte seulement neuf cents par pilule. D’autres études récentes ont démontré l’existence de liens génétiques entre la schizophrénie et la SLA. L’étape logique suivante, c’était de le tester chez des volontaires humains atteints de SLA», raconte le neurologue.
En 2015, un premier essai préclinique canadien pour la SLA auprès d’un petit groupe de 25 patients touchés par la maladie est lancé grâce à un financement de la famille Quirk à Calgary, du HBI et de l’Unité de recherche clinique de l’Université de Calgary.
«Nous avons établi la dose la plus élevée susceptible d’être tolérée chez les personnes atteintes de SLA, une dose plus faible que celle utilisée pour soigner d’autres affections, et nous avons des preuves préliminaires selon lesquelles le pimozide pourrait être utile», affirme le Dr Korngut.
Ce premier essai clinique est modeste. Mais en seulement six semaines, un premier indice d’efficacité a été observé. La perte de contrôle des muscles du thénar, situés sur la paume de la main entre le pouce et l’index, est habituellement l’un des premiers signes de la SLA. Pour les patients qui ont pris du pimozide, cette fonction est demeurée stable. Cette observation doit cependant être confirmée étant donné la taille et la durée très limitées de l’essai clinique.
«Pour nous, c’est une indication que la cible thérapeutique est la bonne. Le pimozide agit directement sur la jonction entre le système nerveux et le muscle, comme chez nos modèles animaux. On ne sait pas encore si le pimozide a un effet curatif ou si son action se résume à maintenir la fonction neuromusculaire normale pour au moins stabiliser la maladie. C’est aussi la première fois qu’on découvre un médicament potentiel pour l’humain à partir de recherches fondamentales entreprises sur de petits organismes comme le ver et le poisson», mentionne le chercheur Pierre Drapeau.
Essai clinique de phase II
Prochaine étape: un essai clinique de phase II auprès de 100 volontaires débutera dans les prochaines semaines, financé par le défi du seau d’eau glacée grâce à un partenariat avec SLA Canada et Brain Canada. Dirigée par le Dr Korngut à Calgary et réalisée dans neuf centres hospitaliers du Canada, cette étude aura pour objectif de vérifier l’innocuité du pimozide et de mesurer pendant six mois son effet sur la progression de la maladie, les symptômes et la qualité de vie des patients.
Daniel Rompré, âgé de 47 ans et père de deux adolescentes, espère participer à cette nouvelle étude. Il a reçu le terrible diagnostic de la sclérose latérale amyotrophique en mars 2016. Les muscles du haut de son corps s’affaiblissent, il commence à avoir de la difficulté à parler et ne peut plus utiliser son bras gauche. «C’est difficile de garder le moral. On se demande: pourquoi moi? Mais au moins, c’est encourageant de voir que la recherche avance. Il y a eu plus de progrès dans les cinq dernières années qu’en 100 ans de recherche sur la maladie», dit-il.
Il est trop tôt pour conclure avec certitude à l’innocuité et à l’efficacité du pimozide. «À ce stade, les personnes atteintes de SLA ne devraient pas utiliser le médicament. Nous devons d’abord vérifier s’il est vraiment utile et sécuritaire à plus long terme. Il faut savoir que le pimozide est associé à des effets secondaires importants. Par conséquent, il devrait être prescrit uniquement dans le cadre d’un protocole de recherche», insiste le Dr Korngut.
À propos de cette étude
L’étude «Neuroleptics as therapeutic compounds stabilizing neuromuscular transmission in amyotrophic lateral sclerosis» a été publiée le 16 novembre 2017 dans JCI Insight. Cette recherche a été financée principalement par le département de la Défense des États-Unis et par les Instituts de recherche en santé du Canada. Les auteurs déclarent ne pas être en situation de conflit d’intérêts. Pour en apprendre davantage au sujet de l’étude, il suffit d’entrer le numéro DOI suivant dans un moteur de recherche: 10.1172/jci.insight.97152.
À propos de l’essai clinique sur le pimozide
Le recrutement de patients pour l’essai clinique de phase II «A clinical Trial of Pimozide in Patients With Amyotrophic Lateral Sclerosis (ALS) (Pimozide2)» a débuté le 16 octobre 2017. Cet essai, financé principalement par SLA Canada et Brain Canada, est enregistré sur clinicaltrials.gov (NCT03272503). L’essai est dirigé par le Dr Lawrence Korngut à l’Université de Calgary, avec la collaboration de neuf centres hospitaliers du Canada. Si vous êtes touché par la SLA et souhaitez vérifier votre admissibilité à cette étude, veuillez écrire à pimozide2@ucalgary.ca.
Ressources complémentaires
Foire aux questions sur le pimozide
Drug safety sheet of the U.S. Food and Drug Administration(anglais seulement)
Canadian manufacturer’s product monograp (anglais seulement)
Relations avec les médias
Isabelle Girard
CRCHUM
Tél: 514 890-8000 p. 12725